Identification et collecte des informations de base
La première étape pour retracer l'histoire d'un soldat, avant de plonger dans les archives militaires, consiste à collecter toutes les informations de base que vous avez sur lui. Cela peut inclure son nom complet, sa date et son lieu de naissance, sa filiation (parents, conjoint), ainsi que toute autre information pertinente sur sa vie civile, comme des lettres, des photographies ou des récits de famille.
Imaginons que vous ayez entendu parler de mon arrière-grand-père, Jules Cordonnier, qui aurait combattu pendant la Première Guerre mondiale. Vous savez qu'il est né le 26 août 1891 à Lomme, petite ville proche de Lille dans le Nord (qui compte déjà plus de 5000 habitants à sa naissance). Vous n’avez retrouvé ni mariage ni descendance ni décès pour le moment. Vous ne savez pas non plus dans quelle unité il a servi.
Dans Généatique, nous pouvons créer une fiche individuelle pour Jules Cordonnier et y saisir toutes les informations que nous avons sur lui, y compris son nom, sa date de naissance, ses parents, etc. Cela nous aidera à garder une trace de nos recherches et à organiser les informations que nous recueillons.
Recherche dans les archives sur le service militaire
Une fois que vous avez collecté les informations de base, nous pouvons nous tourner vers les archives militaires pour obtenir des détails sur le service militaire du soldat. En France, les archives militaires sont conservées aux Archives départementales, aux Archives nationales et au Service Historique de la Défense (SHD). Nous pouvons commencer à rechercher dans les tables des états signalétiques et des services militaires pour obtenir le numéro de registre matricule. Puis nous irons dans les registres eux-mêmes rechercher la fiche individuelle du soldat. Les registres matricules militaires sont l'une des sources les plus importantes pour retracer le parcours d'un Poilu. Les registres matricules fournissent des informations sur le parcours du soldat, son affectation, ses promotions, ses blessures éventuelles, sa capture éventuelle, sa libération et d'autres détails pertinents.
En consultant les Archives départementales du Nord, vous allez trouver dans le registre matricule de 1911, la classe d’âge de Jules Cordonnier, pour le bureau de recrutement de Lille, le plus proche de son domicile (supposé) de Lomme, qu'il a bien été recensé en tant que conscrit à l'âge de 20 ans, conformément à la loi sur le service militaire obligatoire de l'époque et que son numéro de matricule est le 6353, à la page 26 du registre. En allant juste un peu plus loin, dans les fiches des états signalétiques et des services militaires ou fiches matricules, toujours en 1911 et pour le bureau de Lille, dans le volume 13 (allant du matricule 6001 au matricule 6500), nous découvrons qu'il a d’abord effectué son service militaire au 4e régiment de dragons du 1er octobre 1912 au 1er octobre 1914, puis qu’il a été incorporé au 153e régiment d'infanterie en 1916. Il n’y a pas de détails sur les blessures reçues en avril 1917 qui ont entrainé son décès.
Dans Généatique, nous pouvons saisir les informations de la fiche matricule de Jules Cordonnier, telles que son régiment, sa date d'incorporation, ses campagnes et ses distinctions éventuelles.
Recherche dans les archives de guerre
Pour obtenir des détails supplémentaires sur les actions et les expériences de notre soldat pendant sa période militaire, il est possible de consulter les archives de guerre. Les journaux de marche et opérations des corps de troupe fournissent des informations sur les activités opérationnelles du régiment du soldat, les mouvements, les conditions de combat et les pertes subies par le régiment.
En examinant les Journaux de marche pour le 153e régiment d’infanterie sur le site Mémoire des hommes, dans la période du 30 septembre 1916 au 31 décembre 1917, on peut voir qu’il est cité dans la liste complémentaires des tués de l’attaque du 16 avril 1917, retrouvé le 18 avril, mais aussi qu’il était sergent et affecté à la 3e compagnie du régiment (en page 43). En page 35, dans la description de l’encadrement du régiment, il est écrit qu’il appartenait donc au 1er bataillon. Et en page 49, on retrouve en date du 14 mai l’original de la citation de bravoure. En revenant en arrière, j’ai pu reconstituer les mouvements du bataillon et les batailles auxquelles il avait participé. J’y ai aussi trouvé quelques plans.
Je vais continuer pour retracer le parcours de guerre de Jules Cordonnier, suivant ses pas à travers les tranchées, les champs de bataille et les villages dévastés de la Somme et l’Aisne.
Dans Généatique, je vais pouvoir utiliser la carte de migration de Jules Cordonnier pour marquer les différents lieux où Jules a servi pendant la guerre. Cela permettra de visualiser son parcours et de mieux comprendre les événements auxquels il a été confronté.
Lettres et des récits de souvenirs familiaux
En complément des documents officiels, les témoignages et les récits de famille peuvent fournir des informations précieuses sur les expériences et les sentiments de notre soldat pendant ses tribulations militaires. C’est un peu trop ancien pour en parler à des membres de la famille plus âgés, mais ils peuvent avoir entendus des récits intéressants, explorez aussi les correspondances ou les journaux personnels, et recherchez des publications locales ou des archives locales et en ligne pour découvrir des anecdotes et des détails sur la vie de votre soldat. Les lettres, journaux, carnets de guerre, photographies et autres documents personnels peuvent fournir des détails sur les conditions de vie, les combats, les camarades, les émotions et les souvenirs du soldat. N’oubliez pas les musées et les collections privées des lieux de combats.
En discutant avec son arrière-petite-nièce, j’ai appris que Jules Cordonnier avait été cité pour son courage exemplaire et le sauvetage d’un camarade lors de la bataille de la Somme en 1916 et que son corps n’a jamais été retrouvé après son décès à l’ambulance de Verneuil (dans l’Aisne), il n’a donc jamais eu de tombe.
Par contre, grâce aux dates de sa présence au 153e et le numéro de son bataillon, il m’a été possible de retrouver une photo de groupe dans laquelle Jules est clairement identifié, à la bibliothèque locale de Maurepas dans la Somme.
Voici la reproduction d’une lettre d’avril 1917 écrite par Jules à son père, alors que son frère Joseph a été fait prisonnier récemment.
Cher Père,
J'espère que cette lettre vous trouve en bonne santé, ainsi que Mère, Emma, Georges, Marthe et les enfants. Les nouvelles du front ne sont pas des plus réjouissantes en ce moment, mais je veux que vous sachiez que je garde toujours espoir et que je pense souvent à vous tous là-bas à Lorgies. Les jours ici sont de plus en plus difficiles alors que nous nous préparons pour ce qui semble être une offensive imminente. Les tranchées sont boueuses et les rats et les poux pullulent, mais nous faisons de notre mieux pour rester forts et unis. Les officiers tentent de maintenir le ravitaillement mais on nous sert souvent plus de vin que de ragoût. J’ai été fait sergent le mois dernier. Il est difficile d'imaginer ce qui nous attend dans les prochains jours, mais je suis déterminé à faire mon devoir pour mon pays et pour vous tous à la maison. Je sais que Joseph nous manque à tous. Son absence forcée doit se faire sentir plus que jamais à la ferme en ces temps incertains. Mais je suis convaincu que nous le reverrons bientôt, sain et sauf j’espère. Nous devons garder espoir et rester forts pour lui et la ferme. Je suis reconnaissant pour votre lettre et celles que Mère m'envoie régulièrement. Elles sont comme un rayon de soleil dans ma vie quotidienne sombre et monotone. J'apprécie vraiment de savoir ce qui se passe à la maison. Sachez que je pense à vous tous chaque jour où que je sois. Je vous envoie toute mon affection alors que nous nous préparons pour les jours à venir. Prenez bien soin de vous et de Mère.
Jules
Médailles et décorations militaires
Les médailles et décorations militaires décernées aux Poilus peuvent également fournir des informations sur leur service et leurs actions pendant la guerre. Les médailles les plus courantes incluent la Croix de Guerre, la Médaille Militaire, la Légion d'Honneur et la Médaille Commémorative de la Grande Guerre. Ces décorations sont généralement répertoriées dans les archives militaires et peuvent être accompagnées de citations détaillant les actes de bravoure du soldat.
Pas de médaille pour mon ancêtre (au sens large), mais une sorte de citation. Mais peut-être que vos Poilus, cheres lectrices et chers lecteurs, auront été décorés… Vous aurez alors un élément intéressant !
Visiter les lieux de mémoire
Pour approfondir notre compréhension de l'histoire du soldat, nous pouvons visiter les lieux de mémoire associés à son service militaire. Les cimetières militaires, les monuments commémoratifs, les champs de bataille et les différents musées récemment construits peuvent nous aider à imaginer les conditions dans lesquelles le soldat a vécu et combattu.
Les monuments aux morts et les cimetières militaires sont des lieux de mémoire où les noms des soldats morts pendant la guerre sont souvent inscrits. Ces sites offrent une occasion de rendre hommage aux Poilus et de retracer leur histoire à travers les inscriptions et les plaques commémoratives. De nombreux cimetières militaires ont également des registres d'inhumation et des archives sur les soldats enterrés sur place.
Les autres sources
En plus des sources militaires et familiales, il est également possible de trouver des informations sur les Poilus dans d'autres types de documents administratifs et judiciaires. Cela peut inclure des dossiers d'invalidité, des pensions militaires, des rapports de commissions de réforme, des documents de recensement, et des archives judiciaires. Tout cela vient s’ajouter, parfois, aux registres d'état civil, et actes notariés plus fréquemment utilisés.
Présenter l'histoire du soldat
Une fois que toutes les informations disponibles ont été recueillies, prenez le temps d'analyser et de synthétiser tout cela pour reconstruire le parcours militaire de votre Poilu de manière cohérente et précise. Ajoutez les détails les plus significatifs à la fiche individuelle du soldat dans votre logiciel de généalogie, afin qu’ils ressortent à chaque fois que vous éditerez un document sur cette partie de votre généalogie.
Pour honorer la mémoire de notre Poilu, nous pouvons utiliser toutes les informations recueillies pour raconter son histoire de soldat de manière captivante et respectueuse. En mettant en lumière ses exploits, ses sacrifices et son héritage, nous honorons sa mémoire et contribuons à préserver le souvenir de sa contribution à l'Histoire de France. Une sorte de revanche, certes tardive, sur un destin injuste et sévère.
Que l’on découvre des récits de bravoure sur le champ de bataille ou des histoires de résilience et de sacrifice, chaque soldat a une histoire unique qui mérite d'être racontée et préservée pour les générations futures.